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28 QUESTIONS POSEES A PATRICIA MERCADER


1) Les homosexuelLEs sont-ils des déviants et les trans' des malades mentaux?

La société occidentale s'est organisée sur deux sexes bologiques (mâle, femelle) auxquels elle a fait correspondre deux sexes social (homme, femme), puis deux genres (masculin, féminin). Cette organisation sexuée autour de la procréation a produit une société hétérocentrée et hétéronormative au service des hommes. Toute personne qui ne correspond pas à ce classement sexué et ne rentre pas dans le rôle correspondant se voit marginalisée, exclue de la société. L'exemple des intersexes est assez éloquent. Avant que les techniques modernes de la chirurgie ne permettent de leur attribuer un sexe, on leur demandait de choisir un sexe et de s'y tenir sous peine d'être brûlé vif.

Dans ce contexte, l'homosexualité, ne peut être que déviante et les trans' (transsexuelLEs, transgenres) des malades mentaux. C'est donc la société qui fabrique la psychopathologie ou la déviance de certains groupes sociaux.

Qu'en pensez-vous?

2) Il n'y a pas que deux sexes biologiques.

Anne Fausto-Sterling (2001, La fin programmé du dymorphisme sexuel, in La recherche, Hors série n°6, Sexe. Comment on devient homme ou femme, novembre 2001, pp. 58-62.), montre qu'il n'y a pas que deux sexes biologiques (mâle ou femmelle) mais un continuum entre le mâle et la femelle. Ceci est illustré par les personnes intersexes. Un enfant sur 1000 à 2000 est concerné, ce qui est une proportion non négligeable.

Que pensez-vous du fait qu'il n'y a pas que deux sexes biologiques?

3) Il n'y a pas que deux genres, (masculin et féminin).

Le genre est culturel et social, c'est ce qui est attribué culturellement au féminin et au masculin. Sandra Bem, (1974, The measurement of psychological androgyny, in Journal of Consulting and Clinical Psychology, Vol 42, n° 2, pp 155-162), a montré que le masculin et le féminin ne sont pas les deux extrêmes d'une même échelle mais qu'il s'agit de deux échelles différentes qui sont présentes à des degrés variables chez chacun de nous.

En général, une femme est plus féminine que masculine et un homme est plus masculin que féminin mais une femme n'est pas forcément féminine et un homme n'est pas forcément masculin. Chez chaque individu, la féminité cohabite plus ou moins avec la masculinité. Les niveaux de masculinité et féminité varient, fluctuent plus ou moins au cours du temps en chacun de nous en fonction des événements, des sentiments, des émotions que nous vivons. De même, nous exprimons plus ou moins ces féminité et masculinité dans notre façon d'être, notre comportement (façon de marcher, de parler...), notre apparence (vêtements, soins du corps...). Sandra Bem a mis en évidence différentes formes de genres. Tout en étant fluctuante, une des composantes du genre peut généralement dominer: féminin, masculin, androgyne (sorte d'équilibre entre le masculin et le féminin) et neutre (absence ou quasi absence de masculin et de féminin). Elle a décrit quatre formes de genres mais la variété des combinaisons (niveau du masculin/féminin), donc des genres, fait écho à la variété des sexes biologiques.

Que pensez-vous du fait qu'il n'y a pas que deux genres, (masculin et féminin)?

4) Il n'y a pas que 2 sexes social (homme et femme).

Monique Wittig (2001, La pensée straight, (Modernes), Paris, Balland, 157 p) dit que les lesbiennes ne sont pas des femmes au sens d'une société hétérocentrée et hétéronormative. Parce qu'elles sont lesbiennes, elles échappent au rôle de procréatrices au service de la famille et des hommes. Parce que les hommes ont besoin des femmes pour la procréation, ils les ont asservies et tentent de les maintenir sous leur domination. Il y a encore de nombreux pays où les femmes servent de monaie d'échange...

Le sexe psychologique (sentiment d'être homme, femme, ni l'un ni l'autre, alternativement l'un ou l'autre, l'un et l'autre, ou alternativement une ou plusieurs des combinaisons précédentes) est indépendant de l'identité de genre (le fait de se sentir masculin, féminin, androgyne ou neutre). Ces différents éléments peuvent évoluer au cours de la vie. Ce n'est pas pour autant qu'ils sont modifiables à volonté et dans le sens que nous souhaiterions. Contrairement aux thèses de John Money, on ne peut pas “(re)programmer” le sexe psychologique (John Colapinto, 2000, As Nature Made Him: The Boy Who Was Raised as a Girl, Harperperennial Library). Au mieux on peut le questionner. Les transsexuelLEs s'identifient comme hommes ou femmes et font tout pour rejoindre, au moins en apparence, la catégorie qui leur correspond. Les transgenres s'identifient comme alternativement homme ou femme, ou ni homme ni femme, ou homme et femme, ou le tout alternativement. Contrairement aux transsexuelLEs dont le sexe psychologique est stable, cette identité est fluctuante chez les transgenres. Certains ont pourtant besoin de rejoindre l'autre sexe social parce que il leur est plus confortable de vivre socialement dans cette catégorie.

Le sexe psychologique est ininterrogé par les non-trans parce que les personnes s'appuient sur leur sexe anatomique pour définir leur identité. Il n'y a que quand un décalage, une discordance entraîne un mal-être suffisamment important que ce questionnement a lieu. Si le sexe psychologique n'était pas une donnée masquée et qu'il était questionnée au même niveau que l'attirance amoureuse et sexuelle, nous serions surpris par la fréquence de la fragilité et de la fluctuation de certaines identités.

Tout comme il n'y a pas que 2 sexes biologiques, il n'y a pas que 2 sexes social, ni que 2 genres. C'est ce que montrent les populations trans'. Certains changent de sexe social, d'autres passent de l'un à l'autre. Généralement les transsexuelLEs changent de sexe anatomique, certains transgenres aussi. CertainEs transsexuelLEs et une majorité de transgenres prennent un traitement hormonal afin d'acquérir l'apparence de l'autre sexe mais ne souhaitent pas de chirurgie génitale. Des transgenres souhaitent avoir une apparence androgyne ou plus ou moins prononcé de l'autre sexe. Ils cherchent à faire correspondre leur corps à leur identité personnelle.

Que pensez-vous du fait qu'il n'y a pas que deux sexes social?

5) Il n'y a pas que deux attirances amoureuses et sexuelles (orientation sexuelle).

L'homosexualité n'est qu'une attirance amoureuse et sexuelle parmi les autres (hétérosexualité, bisexualité, asexualité [sans attirance]). L'homosexualité n'est ni différente, ni meilleure, ni moins bonne, que les autres attirances amoureuses et sexuelles. Par ailleurs, cette attirance amoureuse et sexuelle peut varier au cours de la vie (Tom Reucher, 2000, La sexualité des “transsexuels” (syndrome de Benjamin). Approche ethnopsychiatrique, mémoire de Maîtrise de psychologie clinique et pathologique, sous la direction de Nathalie ZAJDE, Université Paris 8, 110 p., et Annexes, 129 p., [http://syndromedebenjamin.free.fr]). L'homosexualité remet en cause le primat ou la “naturalité” de l'hétérosexualité. Des pratiques “homosexuelles” sont observées chez les animaux et elles sont même courantes chez les singes, en particulier chez les bonobos. La société hétéronorative fabrique majoritairement des hétérosexuelLEs. Sans cette forte contrainte à la “normalité”, il y a fort à parier que la “norme” serait la bisexualité et que les strictement homosexuelLEs ou hétérosexuelLEs seraient minoritaires. La morale des religions monotéïstes est venue renforcer la dominatuion masculines sur les femmes en vue de la procréation.

Que pensez-vous du fait qu'il n'y a pas que deux attirances amoureuses et sexuelles?

Réponse de Patricia MERCADER.

6) La théorie de John Money est fausse.

La preuve est donnée par son cas princeps John/Joan, sur lequel il a construit toute sa théorie, dont voici un résumé (Chalmers Katie, 2004, At end to boy/girl life. Subject of gender experiment, in Winnipeg Sun, lundi 10 mai 2004), (Anne Fausto-Sterling, 2001, La fin programmé du dymorphisme sexuel, in La recherche, Hors série n°6, Sexe. Comment on devient homme ou femme, novembre 2001, pp. 58-62), (John Colapinto, 2000, As Nature Made Him: The Boy Who Was Raised as a Girl, Harperperennial Library).

A la suite d'une circoncision ratée à 18 mois, David devient le sujet d'une expérience surnommée le cas John/Joan dans les années 60 et 70.

Janet, sa mère, témoignait récemment de sa colère contre John Money qui l'a convaincue elle et son mari, Ron, de donner des hormones féminines à leur fils, et de l'élever comme une fille, Brenda. Les enfants étaient cruels envers Brenda qui grandissait à Winnipeg.

Cette transformation de sexe a été rapportée comme un succès et la preuve que les enfants ne sont pas par nature féminins ou masculins mais socialisés par l'éducation pour devenir des filles ou des garçons. Brian, le frère jumeau de David offrait aux chercheurs un sujet de contrôle.

Mais durant son adolescence, David apprend la vérité sur son passé. Il se rebelle et reprend son identité masculine. Il prend des hormones mâles à la places des hormones femelles. Adulte, il se marie et devient un père pour les 3 enfants de sa compagne.

En 2000, John Colapinto fourni à David une occasion de raconter l'histoire réelle. Cela a été difficile mais David voulait sauver d'autres enfants d'un sort similaire. Alors qu'il avait parlé anonymement par le passé, David a été projeté dans un tourbillon médiatique après la publication du livre de Colapinto.

David est récemment tombé en dépression après avoir perdu son emploi et s'être séparé de son épouse. Quotidiennement, David visitait la tombe de son frère. Il pleurait encore la mort de son frère jumeau deux ans plus tôt. La cause du décès n'a jamais été confirmée mais sa mère suspecte qu'il pourrait s'agir d'une overdose de médicaments dont Brian avait besoin pour traiter sa schizophrénie.
David a mis fin à ses jours début mai 2004.

De nombreux intersexués ont subi un sort similaire. Quand ils étaient bébé, on a décidé de leur sexe et on est intervenu radicalement sur leur anatomie. A l'age adulte, certains ont changé de sexe, d'autres, ont subi des mutilations, leur sexe est incapable d'orgasme, ils ont des complications et subissent de multiples opérations de réparation, ils ont des problèmes urinaires... Ils se sont regroupés en association pour faire entendre leur voix, dire qu'ils ne veulent plus qu'on interviennent précocément sur le sexe des bébés intersexes. Ils veulent que les enfants puissent décider de choisir un sexe ou rester comme ils sont.

Qu'en pensez-vous?

7) Transsexualisme primaire et secondaire.

Le transsexualisme primaire/secondaire ou vrais/faux est une ancienne théorie qui est défendue par des personnes qui se sont montrées incapables de tenir compte de l'évolution de la clinique, de l'évolution des connaissances et des patients. Elles sont restées enfermées dans des théories obsolètes qui ne les aident pas à comprendre. La simple question « si vous aviez pu faire une transition à 20 ans, qu'auriez-vous fait? », suffit, la plupart du temps, à comprendre que le manque de possibilité, d'information, la peur de l'exclusion ou du jugement, la honte, le sentiment d'être anormal, en bref ce qu'on peut appeler la transphobie intériorisée, sont les causes principales qui font que des personnes n'ont pas entamé leur transition plus tôt. Beaucoup ont demandé de l'aide à des médecins qui leur ont dit de se marier d'avoir des enfants, que cela leur passerait... Plus rares sont celles qui sont passé outre et ont transité. Hormis quelques exceptions (Coccinelle...), elles en ont payé le prix fort. La population trans' est la plus touchée par le sida et les IST. Ajoutez à cela qu'aucune campagne de prévention en direction de ces populations n'a été faite. Si on n'aime pas sa vie, on ne prend pas soins de soi.

Défendez-vous toujours l'idée d'un «transsexualisme primaire et secondaire»?
Pourquoi?

8) La psychiatrisation comme contrôle social.

« Bien entendu, pour être dominant, le discours religieux n’était pas le seul à se faire entendre au XVIIIe ou au début du XIXe siècle, et la voix des médecins commençait à émerger. Mais leur point de vue ne tranchait guère avec celui de l’Église: le sentiment d’être «une âme de femme dans un corps d’homme» s’analysait comme pure folie, les comportements sexuels entre partenaires du même sexe comme une forme d’onanisme à laquelle la médecine e s’intéressait nque pour en souligner les effets supposés pernicieux sur la santé de ceux qui s’y adonnent. »

De là remonte la “manie” de classer en psychiatrie tout ce que l'on ne connaît pas, ce qui dérange. C'est le cas de l'homosexualité, de l'autisme, de la maladie de Gilles de la Tourette et du transsexualisme. On a culpabilisé les parents des autistes en les rendant responsables de la “pathologie” de leurs enfants. Finalement on a découvert qu'il s'agissait de problèmes neurologiques liés au développement du cerveau. Combien d'enfants ont été “neuroleptisés”, compromettant ainsi définitivement leur potentiel de développement déjà réduit? La maladie de Gilles de la Tourette et les syndromes autistiques ont été reconnus comme des handicaps.

L'homosexualité n'est qu'une attirance amoureuse et sexuelle parmi les autres (hétérosexualité, bisexualité, asexualité [sans attirance]). L'homosexualité n'est ni différente, ni meilleure, ni moins bonne, que les autres orientations sexuelles. Par ailleurs, cette orientation sexuelle ou attirance amoureuse et sexuelle peut varier au cours de la vie (Reucher Tom, 2000, La sexualité des “transsexuels” (syndrome de Benjamin). Approche ethnopsychiatrique, mémoire de Maîtrise de psychologie clinique et pathologique, sous la direction de Nathalie ZAJDE, Université Paris 8, 110 p., et Annexes, 129 p.). La société hétéronormative fabrique majoritairement des hétérosexuelLEs. Sans cette forte contrainte à la “normalité”, il y a fort à parier que la “norme” serait la bisexualité et que les strictement homosexuelLEs ou hétérosexuelLEs seraient minoritaires. La morale des religions monothéistes est venue renforcer la domination masculine sur les femmes en vue de la procréation.

Que pensez-vous du classement en psychiatrie des problèmes ou troubles qui dérangent?

9) Psychanalyse et homosexualité.

« P.-H. Castel (2003) souligne que Freud fut très tôt perçu comme le promoteur d'une nouvelle normativité hostile aux intentions libérales des psychiatres qu’on a parfois nommés les «premiers sexologues», parce que sa théorie ne se contentait pas d’une neutralité descriptive, et s’interrogeait sur la psychogénèse de ces variations dans la sexualité. On peut se demander pourquoi cette méfiance, dans la mesure où, comme je l’ai souligné, Freud prend plusieurs fois la peine de préciser que l’homosexualité ne doit être ni condamnée ni soignée. Mais il est indéniable que ses théories enveloppent bien une norme hétérosexuelle «oedipienne» propre à susciter une telle inquiétude. Il y avait donc là en germe un désaccord sur la question de ce qu'est scientifiquement la sexualité. »

Il est évident que la psychanalyse, même si ça n'était pas son intention, a servi à asseoir une société hétéronormative. Par ailleurs, à plusieurs reprises, Freud a eu des patientEs homosexuelLEs en cure pour les “guérir” de leur homosexualité. Pour lui c'est un développement psycho affectif incomplet. Les homosexuels n'ont pas résolu leur “complexe d'oedipe”, ce qui fait qu'ils ne sont pas devenus hétérosexuels. On est bien là dans la définition d'une “norme” idéalisée. Il s'agit évidemment de l'idéal de Freud.

Que pensez-vous de l'homosexualité?

Pensez-vous que l'homosexualité est un développement psycho affectif incomplet?

D'un point de vu psychanalytique, pensez-vous que l'hétérosexualité est préférable que l'homosexualité?

D'un point de vu psychanalytique, pensez-vous que les homosexuels n'ont pas résolu leur “complexe d'oedipe”? Ques pensez-vous de cette thèse?

10) Psychanalyse et “normes”.

« J’ajouterais pour ma part que ce désaccord repose, en partie au moins, sur un malentendu. La psychanalyse, en effet, représente et promeut une certaine idée, essentiellement tragique, du développement humain: confrontés aux nécessités de notre développement dans des circonstances plus ou moins favorables mais toujours difficiles, nous faisons très tôt et surtout à notre insu, des choix déterminants pour notre avenir psychique; ces choix toujours créatifs (McDougall, 1996) impliquent toujours aussi des sacrifices. Le propos de la cure analytique n’est pas, comme le croient certains, de mettre qui que ce soit «aux normes», mais plutôt, en rendant conscient ce qui ne l’était pas, de permettre au sujet de reconsidérer ses choix, pour les confirmer ou les transformer. Une autre idée de la liberté, en somme, qui prend en compte une claire conscience de ses limites, et surtout prend comme point de départ l’inéluctable opacité de l’humain à lui-même... »

Rendre conscient ce qui ne l’était pas pour permettre au sujet de reconsidérer ses choix (les confirmer ou les transformer), c'est bel et bien pour l'amener à se “normaliser”. S'il ne s'agissait que de confirmer ou de transformer ses choix, des psychanalystes n'auraient jamais dit que les trans' “font des choix psychopathologiques” et qu'ils doivent à tout prix changer ce qu'ils ont dans la tête plutôt que changer leur corps. Ces psychanalystes ont une intention envers les trans'.

D'un autre côté, des psys pragmatiques s'écartent de la théorie pour mieux aider leurs patients. Ils ne jugent pas et n'ont aucune intention envers leurs patients, ils ne cherchent pas à les orienter dans un sens ou l'autre. Ils gèrent leur contre transfert. Tout cela permet l'installation d'une relation thérapeutique efficace.

La psychanalyse est un outil, tout comme le couteau qui peut être utilisé pour couper la viande ou pour tuer une personne. Le couteau n'est pas dangereux en soi, c'est l'usage de cet outil qui peut l'être. La psychanalyse entre de mauvaises mains est une arme dangereuse pour les patients.

Ce sont la théorie et les visions moralistes des psys qui posent des “normes” pas la cure. Qu'en pensez-vous?

Réponse de Patricia Mercader.

11) Trans' et altérité.

« En d’autres termes, dans la pensée psychanalytique nous sommes obligés de faire avec une différence des sexes réelle (...) »

Allez dire à un intersexe qu'il doit se confronter à la différence des sexes! Personne ne nie qu'il y a plusieurs sexes, personne ne nie l'altérité, les trans', les intersexes, pas plus que les autres. De quoi parle t-on? De la pensée unique des psys qui pensent avoir LA vérité sur autrui sans jamais remettre en cause ni leur pensée ni leur théorie? Les trans' et les intersexes sont confronté plus que quiconque à la différence des sexes. Aucun d'eux ne peut faire l'économie de s'interroger sur lui/elle, les autres, lui/elle et les autres, sa place dans la société... Aucun ne se dit chouette je suis trans' ou intersexe. Si par la suite ils peuvent arriver à le dire c'est qu'ils ont pris suffisamment de recul et qu'ils se sont affranchi des jugements moraux et des “normes” pour accepter de vivre leur différence. Universalité ne veut pas dire uniformité, ni de couper toutes les têtes qui dépassent. Les humains sont multiples et pluriels, de même qu'il n'y a pas qu'une seule vision du monde.

Maintenez-vous que les trans' ne font pas avec la différence des sexes?
Si oui, pourquoi?

12) TranssexuelLEs et différence des sexes.

« Dans la perspective psychanalytique, l’idée d’avoir une âme de femme dans un corps d’homme s’entend donc avant tout comme une construction psychique défensive, liée à l’angoisse suscitée par cette épreuve de réalité (pour ma part, en allant dans le même sens, j’ai analysé cette construction comme une illusion, au sens que Freud lui-même donne à cette notion: pas un délire, mais une position psychique où l’on renonce à «vérifier» la validité de sa réalité interne en la confrontant à la réalité externe). »

Les trans' sont bien conscients que la société ne reconnaît que deux sexes sur la multitude de sexes existante, bien que les choses commencent à bouger dans un sens plus large sur le plan scientifique. Pourquoi leur spécificité serait-elle forcément lié à l'angoisse liée au refus d'être d'un seul sexe? Cela va à l'encontre des théories de Robert Stoller, (1985, Masculin ou féminin, Paris, PUF, 363 p.; 1978, Recherches sur l'identité sexuelle, Paris, Gallimard, 406 p), lui aussi psychanalyste, qui attribue cette inversion du sexe psychologique à l'absence d'angoisse. En fait à chaque auteur sa théorie, sa cause mais rien n'avance pour les trans'.

L'hypothèse d'une construction défensive (= illusion) repose sur l'interprétation de Patricia Mercader. Par ailleurs, les transsexuelELs sont bien d'un sexe, ils vivent dans un seul sexe, quel que soit le sens de leur transition.

Dire que les transsexuelELs ont «renoncé à “vérifier” la validité de sa réalité interne en la confrontant à la réalité externe» est faux. Ils se sont beaucoup interrogés. Ils ont fait des psychothérapies, ont eu des relations sexuelles (avec des hommes, avec des femmes ou les deux), se sont mariés, ont essayé d'être parents, ont fait des métiers ou des activités liées à leur sexe de naissance, ont pris des hormones pour renforcer ce sexe de naissance... Patricia Mercader dit cela car la réponse que les transsexuelELs ont trouvé ne lui convient pas. Les transsexuelELs n'ont pas la réponse du pourquoi mais ils ont pu vérifier depuis 50 ans qu'ils ont une solution qui leur permet de mettre en harmonie leur corps avec leur sexe psychologique (puisque l'inverse ne fonctionne pas) et, de ce fait, avoir une vie acceptable pour eux. Depuis 50 ans, ni la psychanalyse, ni la psychiatrie n'ont fait la preuve d'une meilleure efficacité en ce domaine.

En quoi les transsexuelLEs ne reconnaissent pas la différence des sexes?

En quoi Madame Mercader, votre interprétation est plus vraie que la mienne?

13) Pourquoi faire référence à une théorie fausse?

« C’est après la seconde guerre mondiale que la terminologie moderne se met en place. L’anthropologue Margaret Mead avait parlé de sexe social, mais c’est le psychologue américain J. Money qui, le premier, utilise en 1955 le terme de genre, pour désigner le fait psychologique par lequel un sujet se sent femme ou homme et se comporte comme tel-le. Ce concept est élaboré à partir d'études concernant l'ambiguïté génitale et ses conséquences, études qui mettent en évidence le caractère déterminant de l'attribution du genre dans la constitution de l'identité du sujet: un enfant génétiquement mâle élevé en fille se pense fille, et un enfant femelle élevé en garçon se pense garçon, avec une certitude absolue et irréversible, et en adoptant les comportements correspondant à son identité. Le genre d'un sujet est définitivement fixé à l'âge limite de deux ans et demi, sauf dans le cas où les parents, incertains quant au sexe de leur enfant, lui ont transmis leurs doutes et donc une identité ambiguë qui permettra une réassignation plus tardive. »

La théorie de John Money est fausse. La preuve est donnée par son cas princeps John/Joan, sur lequel il a construit toute sa théorie, (Chalmers Katie, 2004), (Anne Fausto-Sterling, 2001), (John Colapinto, 2000). Les parents ne sont pour rien dans le fait qu'un sexe psychologique soit différent du sexe anatomique. Il est impossible de dégager une dynamique ou une configuration typique que l'on retrouverait chez toute personne ayant un sexe psychologique non conforme au sexe anatomique.



« Une conséquence du travail de Money est rarement évoquée, et pourtant elle en est, à mon avis, l’essentiel: l’expérience des intersexuels nous apprend que nous construisons tous notre identité sexuée non pas sur la base d’un déterminisme biologique, ou d’une quelconque nature, mais sur la base de ce que nos parents nous disent, sous la forme, en somme, de la croyance. »

Je ne suis pas d'accord. Des intersexes se trouvent bien dans le sexe assigné et d'autres mal, indépendamment des parents et des interventions subies. Il en est de même pour les trans', on trouve toutes les configurations familiales. Il est utile d'écouter ce que nous disent les intersexes. Comme les trans', il s se sont regroupé en association pour défendre leurs intérêts. Concernant le sexe psychologique, John Money s'est trompé tout comme Bruno Bettelheim sur l'autisme.

Pourquoi faire référence à une théorie fausse?

14) La faute des parents?

« (...) nous construisons tous notre identité sexuée non pas sur la base d’un déterminisme biologique, ou d’une quelconque nature, mais sur la base de ce que nos parents nous disent, sous la forme, en somme, de la croyance. On retrouve ici la notion centrale d’assujettissement: nous naissons prématurés, impuissants, et nous ne pouvons nous construire qu’en tant que nous sommes construits par les autres. Un peu comme si nos parents, leur personnalité et surtout leurs désirs inconscients, créaient pour nous une place particulière, une sorte de «creux dans le monde», plus ou moins confortable, plus ou moins restrictive, mais à laquelle, quoi que nous en ayons, nous sommes bien obligés de nous adapter. En d’autres termes, nous construisons notre identité en nous identifiant aux autres, mais surtout en étant identifiés par eux. »

Comme pour l'autisme, c'est encore la faute des parents! Et cette hypothèse est probablement aussi fausse car quelles que soient les cultures et les époques les trans' ont toujours existés! Les résultats de Robert Stoller (1985, Masculin ou féminin, Paris, PUF, 1985, 363 p. et 1978, Recherches sur l'identité sexuelle, Paris, Gallimard, 406 p., ed. originale américaine, 1968) ne permettent pas de dire si les enfants qu'il a traités auraient été transsexuels sans ce traitement. Il parle de «garçons extrêmement féminins» (Stoller, 1985), revenant sur ce qu'il disait en 1968 (Stoller, 1978) lorsqu'il parlait «d'enfants transsexuels».

Sachant la diversité des configurations familiale des personnes trans', en quoi les parents sont responsables ou à l'origine du fait qu'un ou plusieurs de leurs enfants sont trans'?

15) Comme les femmes, les trans' veulent disposer de leur corps.

Avant l'IVG et la contraception, les femmes qui ne désiraient pas de grossesse étaient aussi obligées de subir. Personne ne niera les progrès que constituent la contraception, l'IVG et la PMA pour la vie des femmes (et même des hommes). Ce n'est pas pour autant qu'elles sont malades ou psychiatrisées. La sécurité sociale prend en charge ces actes et c'est bien normal. Les trans' ne demandent pas autre chose. Nous avons un problème que peut résoudre la médecine et ce n'est ni une maladie biologique, ni une maladie mentale. Par contre une non prise en charge de cette problématique entraîne un problème de santé publique (dépression, automédication, automutilation, suicide ou tentative), tout comme les femmes qui cherchaient à tout prix à éviter une grossesse insupportable. Seules celles qui avaient les moyens d'aller à l'étranger avaient des solutions pour s'en sortir. C'est la même chose pour les trans', les personnes ayant assez d'argent pour financer leur transition s'en sortent le mieux. Certaines personnes ne trouveront aucune aide en France (elles ne rentrent pas dans les critères des équipes médicales) et n'ont pas d'argent pour financer leur transition. Ce sont ces personnes qui risquent de se suicider. La possibilité de “circuits parallèles” a permis de diminuer le nombre de personnes dans ces détresses extrêmes. Pour les femmes comme pour les trans', la “morale” (judéo-chrétienne) a joué un important rôle de frein. Pragmatiques, Magnus Hirsfield et Harry Benjamin étaient dans cette position d'aide concrète.

Si les trans' ont recours aux traitements hormonaux ou chirurgicaux c'est pour être reconnu comme ils se sentent.

Les trans' ne sont pas contre le fait d'aller voir des psys, ils sont contre le fait que ce soit le psy qui décide de leur vie.

Quand utiliser sa main gauche plutôt que sa main droite pour écrire était considérée comme anormal, les gauchers ont subi l'opprobre social. Ils ont été contraints, souvent violemment, d'utiliser leur main droite. Il en a été de même pour la langue des signes qui était interdite pour les sourds, les malentendants et les muets. L'évolution des mentalités et la science à permis de comprendre la bêtise de telles croyances et que ces pratiques étaient contre productives.

Espérons que cette évolution des mentalités ne tarde pas trop pour les trans' car la transphobie tue!

La médicalisation d'un problème de santé publique n'entraîne pas sa psychiatrisation. C'est la cas de la grossesse, de la procréation médicalement assistée et de l'IVG.

Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la transidentité?

Réponse de Patricia Mercader.

16) Assignation d'un sexe sur l'acte de naissance.

« Malgré les contradictions évidentes entre ces deux approches, le transsexualisme moderne hérite à la fois de la théorie de l'inversion et de la disjonction entre sexe et genre élaborée par Money. C’est sur cette double base que se fonde, à partir des années soixante et notamment avec les travaux de Stoller, l’idée que l’identité de genre des transsexuels est définitivement fixée et que par conséquent, le «changement de sexe» est la seule façon de soulager leur souffrance psychique. Pourtant le transsexualisme, si l’on suit Money, se présente à première vue comme un défi à la logique: les transsexuels n’ont fait l’objet d’aucune erreur d’assignation, ce qui constitue une différence essentielle avec les intersexuels. Au contraire, leur identité de genre, semble-t-il, se construit et se maintient en opposition au discours de leur famille d’abord, de l’environnement social tout entier ensuite. »

Le changement de sexe est pourtant un réel soulagement pour qui est concerné. Des intersexes assignés dans un sexe qui ne leur convenaient pas transitionnent à l'âge adulte, y compris quand ils ont subi des opérations les orientant dans un sexe ou l'autre et quel que soit leur état initial. Ils ont été transsexualisé par une assignation inadaptée. Cette assignation ne peut pas être devinée et l'enfant est trop jeune pour exprimer un choix. On décide donc pour lui avec un risque d'erreur. C'est la preuve que l'assignation ne fait pas tout. S'il n'y avait pas d'assignation, il n'y aurait pas d'erreur. En fait le maintien de la mention du sexe sur l'acte de naissance ne sert que pour les institutions du mariage et de l'armée. La première est au service de la société hétéronormative et de la domination et la seconde, la conscription supprimée, engage des professionnels quel que soient leur sexe. Avec la possibilité inéluctable du mariage homosexuel à venir, il serait souhaitable que cette mention inutile disparaisse des actes de naissance. Pour les intersexes comme pour les trans' se serait beaucoup plus simple et la société ne s'en porterait pas plus mal. Tant qu'on ne connaît pas tous les éléments qui entrent en œuvre dans la construction du sexe psychologique, il est impossible de parler de certitude quant à l'assignation du sexe des trans'. L'hypothèse de l'interaction familiale n'est pas démontrée. La variété des cas ne permet pas de dégager une configuration ou un dynamique qui se retrouverait dans tous les cas. Nous ne savons pas pourquoi cette construction se fait dans un sens ou dans un autre. Est-elle soumise à autant de possibilités de variation que la fabrication du sexe biologique? Par ailleurs, nous ne souhaitons pas qu'une réponse à cette question soit utilisée pour faire le tri entre les candidats à la chirurgie.

Que pensez-vous de la suppression de la mention du sexe sur l'acte de naissance pour tous, de l'arrêt de l'assignation dans un sexe?

Réponse de Patricia Mercader.

17) Les trans' et les intersexes remettent en cause la théorie de la différence des sexes.

« Les psychanalystes qui ont travaillé sur cette question et publié des études de cas un peu approfondies parviennent aujourd’hui à des hypothèses assez précises et convaincantes, au sens où la clinique peut parvenir à des hypothèses précises et convaincantes: elle permet de construire, toujours a posteriori, la psychogénèse de telle ou telle histoire singulière, mais n’ambitionne pas, car ce serait tout à fait contraire à sa vocation et à son épistémologie, de découvrir une raison et une seule susceptible d’expliquer toutes les histoires de tous les transsexuels. En outre, ce type d’interrogation connaît des usages sociaux assez différents, car tous les «psy» ne se ressemblent pas. D’un point de vue purement psychanalytique, il s’agit d’une invitation à réfléchir, à comprendre, mais pas du tout à légiférer ou interdire, même si le seul fait de réfléchir peut être entendu par certains transsexuels comme une maltraitance théorique (Reucher, 2002, p. 36). »

Je ne trouve pas que les hypothèses citées soient précises d'un point de vue scientifique. Non la théorie psychanalytique n'est pas universelle. Elle ne résout pas tout et n'apporte pas des réponses à tout.

La psychanalyse est une croyance, comme on croit en dieu. Sa scientificité n'est pas démontrée. Il ne s'agit pas de “convaincre” mais de prouver! En fait si les psychanalystes tentent avec acharnement de démontrer la psychopathologie des trans' c'est que ces derniers (tout comme les intersexes) remettent en cause leur théorie à la fois sur la différence des sexes (il n'y a pas que deux sexes mais un continuum entre le mâle et la femelle) et l'homosexualité remet en cause le primat ou la “naturalité” de l'hétérosexualité. Des pratiques “homosexuelles” sont observées chez les animaux et elles sont même courantes chez les singes, en particulier chez les bonobos.

Que serait la psychanalyse sans la théorie de la différence des sexes?

18) Trans' et maltraitance théorique.

« Les psychanalystes qui ont travaillé sur cette question et publié des études de cas un peu approfondies parviennent aujourd’hui à des hypothèses assez précises et convaincantes, au sens où la clinique peut parvenir à des hypothèses précises et convaincantes: elle permet de construire, toujours a posteriori, la psychogénèse de telle ou telle histoire singulière, mais n’ambitionne pas, car ce serait tout à fait contraire à sa vocation et à son épistémologie, de découvrir une raison et une seule susceptible d’expliquer toutes les histoires de tous les transsexuels. En outre, ce type d’interrogation connaît des usages sociaux assez différents, car tous les «psy» ne se ressemblent pas. D’un point de vue purement psychanalytique, il s’agit d’une invitation à réfléchir, à comprendre, mais pas du tout à légiférer ou interdire, même si le seul fait de réfléchir peut être entendu par certains transsexuels comme une maltraitance théorique (Reucher, 2002, p. 36). Dans la tradition psychiatrique, en revanche, il s’agit d’une excellente raison pour garder un certain pouvoir, à travers le fameux «protocole», par exemple (mais d’un autre côté quel praticien digne de ce nom engagerait sa responsabilité dans un traitement aussi lourd sans s’être assuré, par les moyens à sa disposition, que c’est la meilleure chose à faire?) »

Concernant la «maltraitance théorique», il ne faut pas tout confondre, (Tom Reucher, 2002, p. 36), Pages 25 à 36, des types de maltraitances théorique sont montrés. Les trans' n'ont rien contre la réflexion mais la maltraitance théorique est une pratique fréquente des psys (thérapie, écrits...) à laquelle Patricia Mercader elle-même a déjà participé par ses écrits antérieurs, (Patricia Mercader, 1994, L'illusion transsexuelle, Paris, L'Harmattan, 297 p).

Ce ne sont pas les psychiatres qui prennent les risques mais les trans'. Ce sont nos corps, pas les vôtres ni les leurs. Nous ne vous obligeons pas à faire comme nous, tout comme l'IVG n'oblige pas toutes les femmes à avorter. C'est notre liberté, respectez-la!

La lobotomie, les cures de sakel, les électrochocs (appelés pudiquement sysmothérapies), les neuroleptiques, la psychothérapie..., tout a été essayer, ou presque. Sans succès.

En quoi vouloir absolument que la transidentité soit psychopathologique sans pouvoir le démontrer et sans apporter la moindre solution n'est pas une maltraitance théorique?

Note ajoutée: le concept de “Maltraitance théorique” est de Françoise SIRONI. Nous en avons discuté lors de notre pratique clinique avec les personnes trans. Elle a publié un article en 2003 que l'on peut trouver en ligne.

19) Auto nomination.

« Et, comme dans toutes les situations de domination, le dominant, ici l’homme blanc hétérosexuel, se pose comme la norme, le représentant de l’universalité, quand tous les autres sont renvoyés à n’être, précisément, que des «Autres», définitivement illégitimes, et qui n’ont comme seule issue que de lutter contre l’appropriation dont ils font l’objet, comme le suggère le jeu de mots proposé par Donna Haraway (1992), «inappropriate/d others». Bien entendu, le premier pas vers cette libération consiste à reprendre la parole, à s’auto-définir, à imposer au dominant ses propres catégories de pensée... On comprend pourquoi, dans cette perspective, tout discours médical ou seulement psychologique peut être interprété comme stigmatisation. »

L'auto nomination est une façon de (re)prendre en main nos destinées, de (re)trouver une fierté, quels que soient les discours stigmatisant que peuvent produire sur nous les psys.

Nous nous décrivons selon notre sexe psychologique, ce qui est logique. Les psys nous décrivent selon notre sexe de naissance, y compris après le changement d'état civil. De ce fait, certains violent la loi et nient la décision d'un tribunal.

En quoi cela serait ingérable pour eux de nous décrire selon notre sexe social?

Il suffit de le savoir pour en déduire le sexe de naissance si nécessaire.

20) Faire de la clinique et de la recherche dans le respect.

Les femmes peuvent décider si elles veulent poursuivre ou non une grossesse mais les trans' ne peuvent pas décider s'ils veulent ou non transformer leur corps. Il s'agit là pourtant bien du même enjeu: la libre disposition de nos corps. Les psys avec leurs discours moralisateurs s'y opposent au nom d'une morale, d'un dieu ou de la stabilité de la société. Pour ce faire, ils disqualifient le discours des trans' par le classement en maladie mentale et la stigmatisation.

Il est tout à fait possible de respecter l'identité d'une personne sans “entrer” dans son projet, sans aller contre non plus. En allant dans ce sens je peux appeler «Madame» une personne qui est encore visiblement un homme et «Monsieur» une personne qui est encore visiblement une femme. Je ne suis pas là pour aller contre ou pour le projet de la personne, mais je suis là pour l'aider à être au mieux avec elle-même. Les violences verbales de certains psys ne sont rien d'autre que des «craquées verbales» face à ce que représente une personne trans' pour ces psys. Réflexion d'un psy à une transsexuelle: «On vous l’a coupée»! La vaginoplastie est vécue comme une reconstruction et ce psy lui renvoie «castration»! Le psy en question devrait revoir sa propre angoisse de castration. Ce type de dérive est fréquente. C'est aussi cela la “maltraitance théorique”!

Pourquoi les psys ne respectent pas les trans'?

Réponse de Patricia Mercader.

21) Stigmatisation.

«On comprend pourquoi, dans cette perspective, tout discours médical ou seulement psychologique peut être interprété comme stigmatisation.»

Ce qui est stigmatisant, c'est le fait de nier la parole des sujets objets de discours que sont les trans', de les considérer, parce que malades mentaux (délire, perversion...), comme incapables de se décrire eux-mêmes et incapable de décider ce qui est mieux pour eux-mêmes. C'est le fait de nous parler et de nous décrire au féminin quand nous sommes des transsexuels (femme vers homme), et de nous parler et de nous décrire au masculin quand nous sommes des transssexuelles (homme vers femme). C'est d'ailleurs ce que fait Patricia Mercader dans sa note de bas de page n° 8, page 11 de son texte:

« 8. Les transsexuels eux-mêmes sont d’ailleurs tout à fait lucides sur ce point, comme le montrent clairement leurs autobiographies, et quelle que soit d’ailleurs leur position personnelle à ce propos!: on y voit des transsexuelles F -> H se réjouir d’être enfin libérées des travaux ménagers quand elles adoptent une identité masculine, des transsexuels H -> F s’amuser de se voir brusquement considérés comme incapables de conduire une voiture en marche arrière, ou interpréter leur propre penchant à la soumission comme une preuve manifeste de leur être-femme... »
[retour à la question 22]

Patricia Mercader parle de transsexuelles (femme vers homme) pour des hommes, alors que les trans' disent des transsexuels (f->h); et, toujours selon Patricia Mercader, les transsexuels (homme vers femme) sont des femmes, les trans' disent des transsexuelles (f->h). Elle pense sexe biologique et nous nous pensons sexe social. Notez que les auteurEs de ces biographies sont des personnes ayant changé d'état civil. Aux yeux de la loi, les transsexuels (f->h) sont des hommes et les transsexuelles (h->f) sont des femmes. C'est à dire que la justice pense comme les trans'.

Cette nécessité de nous assigner dans un sexe qui ne nous représente pas est une façon pour ces psys de ne pas perdre la “boussole du sexe”. Ils montrent une réelle incapacité de s'en affranchir et d'avoir un recul suffisant pour faire de la clinique ou de la recherche dans le respect des personnes sur lesquelles portent les soins ou la recherche.

En quoi est-ce efficace de nous insulter en nous attribuant un sexe qui ne nous correspond pas?

Que cherchez-vous par cette pratique indigne d'un chercheur ou d'un thérapeute sinon à nous humilier?

22) Trans' et recherche.

« Dans cette perspective, le processus du «changement de sexe» est d’abord un véritable cas d’école: apprendre à se faire admettre par les autres comme un homme consiste à apprendre la pratique d'un certain pouvoir, et inversement, apprendre à se faire admettre par les autres comme une femme consiste à apprendre une soumission au moins apparente[8]. En outre, il permet d’étudier in vivo le processus d’assignation du genre, et notamment de montrer ses aspects dissymétriques liés à la hiérarchie entre les sexes; par exemple, S. Kessler et W. McKenna montrent que l’attribution du genre est régie par le principe: «voyez quelqu'un comme femelle seulement si vous ne pouvez pas le voir comme mâle». »

C'est un peu plus complexe que ça!

Encore une fois, quelques biographies ne font pas la généralité!

Les chercheurEs devraient être contentEs de nous avoir. Grâce aux trans', les recherches sur les questions de genres, le sexe social, le féminisme et les processus de domination progressent. Encore faut-il en appréhender toutes les facettes qui sont nombreuses et balayent une grande partie des relations humaines. Une bonne recherche ne se fait pas sans le respect des sujets (ici les trans') et de l'objet de recherche (ici les questions de genres, le sexe social, le féminisme, les processus de domination...). Cela veut dire laisser ses préjugés à la maison.

Vous avez une vision du monde hétérosexuelle. Pour faire de la recherche et de la thérapie sur la transidentité, il faut se dégager de cet hétérocentrisme et hétéronormalité. En êtes-vous capable?

23) Interprétation et projection.

« Pour conclure, on voit que la sociogénèse du transsexualisme recouvre en fait une double filiation, entre la souffrance d’être sexué qu’incarnent si bien l’Adam et Ève de Masaccio, et la jouissance solitaire mais illimitée de la complétude, que suggère l’hermaphrodite endormi, en train de rêver peut-être... »

Voilà le type de commentaire qui n'est qu'une interprétation venant de sa propre projection. Que sait Patricia Mercader du vécu de l'hermaphrodite? De sa soi-disant complétude, qu'elle soit solitaire ou illimitée? En fait, les trans' et les intersexes renvoient Patricia Mercader à sa propre angoisse, à sa propre souffrance d’être sexuée, d'être une femelle, de devoir assumer un sexe social de femme et un genre féminin.

Les transsexuelLEs doivent renoncer à l'un des sexes pour vivre comme l'autre. Ce n'est pas d'être d'un sexe ou l'autre qui est une souffrance, c'est la non-concordance entre le sexe anatomique et le sexe psychologique qui est une souffrance. Par ailleurs, cette souffrance est augmentée par le jugement moral, l'ostracisme que les trans' rencontrent. Car une fois que l'on sait et que l'on décide d'assumer notre spécificité, il nous reste à affronter la famille, la société, le monde médical. Autant dire que la transition n'est pas facilitée et qu'il faut une large dose de courage, de volonté et de ténacité pour y parvenir.

Vous êtes-vous poser des questions sur vos angoisses identitaires? Etes-vous sûre d'être une femme, d'être féminine, d'être une femme féminine?

24) Hypothèse ne veut pas dire vérité.

« D’une part, la lignée «clinique» conduit à élaborer des hypothèses concernant une psychogénèse du syndrome, en posant comme postulat que la différence des sexes est un de ces faits de réalité auxquels tout humain, pour se construire, doit se confronter et se soumettre, dans un processus toujours douloureux. Le transsexualisme serait alors l’issue que trouvent certains sujets en souffrance, entravés dans ce processus par la problématique inconsciente à l’oeuvre dans leur famille. »

Le problème des hypothèses de la clinique c'est que pour nombre de gens elle a force de loi alors qu'il ne s'agit que d'hypothèses. Encore une fois, toutes ces hypothèses n'ont abouti à aucune certitude. Par ailleurs, l'exploration clinique ne devrait pas empêcher l'exploration des autres pistes. Hors, le fait que les psys affirment que c'est un problème intra psychique bloque toute autre exploration en France. La psychiatrisation des questions trans', (comme ce fut le cas pour la maladie de Gilles de la Tourette, les syndromes autistiques et l'homosexualité), est la preuve de leurs dires.

Les psys ne devraient-ils pas se poser des questions sur leurs méthodes et leurs buts?

Réponse de Patricia Mercader.

25) La psychanalyse peut-elle de se remettre en question?

« Mais cette double filiation est aussi conflictuelle que le serait l’héritage d’un fils Capulet-Montaigu! Nous ne sommes plus au temps où les invertis se trouvaient fort bien d’être désignés comme malades! Dans une perspective clinique, l’autodétermination du genre est une dérive perverse ou psychotique, ce qui peut susciter des attitudes très différentes, essentiellement réflexives (psychanalytiques) ou bien directement interventionnistes (psychiatriques). Sous l’angle constructiviste, la notion même de psycho-pathologie, voire la seule recherche d’une psychogénèse, constitue un comportement discriminatoire, et la psychanalyse tout entière est vue comme une rationalisation complexe des rapports de domination en l’état (Rubin, 1998). En fait, et cela dépasse nettement le seul champ du transsexualisme, le genre et la sexualité sont des enjeux cruciaux (peut-être les plus cruciaux de tous) d’un grave conflit scientifique entre clinique et constructivisme: c’est le cas aussi pour ce qui concerne le mariage homosexuel, pour l’analyse du phénomène prostitutionnel... Et comme toujours dans les guerres, les pires excès se produisent: ainsi, on entend des psychanalystes s’oublier jusqu’à prophétiser la fin de l’Occident, ce qui n’est vraiment pas leur rôle, et des sociologues sonner le glas de la psychanalyse assimilée à la normativité la plus «intégriste». »

La clinique est plus large que la psychanalyse, il y a plusieurs théories qui permettent de faire de la clinique. Pourquoi la psychanalyse se permet-elle de juger, de nommer (pervers, psychose) alors qu'elle ne fait la preuve de rien? Si la psychanalyse est vue comme une rationalisation discriminatoire, c'est qu'elle a tout fait pour ça. Les auteurEs, sous couvert de la théorie psychanalytique, ne font que véhiculer des valeurs morales qui n'ont rien à y faire. La psychanalyse ne peut donc être perçue que comme discriminatoire et comme un outil de domination entre celui qui sait (le psychanalyste) et le sujet objet du discours (les trans', les gays, les lesbiennes, les prostituéEs...). Jacques Lacan (1978, Entretient avec Michel H., in Sur l'identité sexuelle: à propos du transsexualisme, Czermak M., Frignet H. et coll. Eds., (1996), (Le discours psychanalytique), Paris, Association Freudienne Internationale, pp. 311-353.), en est un parfait exemple. Je pourrais en citer beaucoup d'autres, Colette Chiland (1997, Changer de sexe, Paris, Odile Jacob, 282 p.), Catherine Millot (1983, Horsexe. Essai sur le transsexualisme, Paris, Point hors ligne, 141 p.)...
Un autre problème de la psychanalyse, c'est d'isoler le sujet de son environnement (culturel, social, historique (histoire collective), politique).
Concernant la voix des prostituéEs, voir Claire Carthonnet (2003, J'ai des choses a vous dire. Une prostituée témoigne, Paris, Editions Robert Laffont, 264 p.).

La psychanalyse peut-elle de se remettre en question?

Réponse de Patricia Mercader.

26) Guerre des disciplines.

« Comment pourrait-on se réjouir des guerres, fussent-elles scientifiques? Psycho-sociologue moi-même, j’ai tendance à penser que l’humanité résiste à se laisser découper selon les pointillés de nos frontières disciplinaires, et que tout phénomène humain témoigne de l’interdépendance profonde des registres psychique et social, et je devrais aussi ajouter le physiologique... Mais la très réelle discordance des points de vue clinique et sociologique rend le débat interdisciplinaire extrêmement difficile. Si entraîné qu’on soit à l’art de se tenir entre deux chaises, la position du centriste reste périlleuse, toujours partagée entre la tentation d’un compromis trop mou, un clivage presque schizophrénique, et le risque de pencher d’un côté en oubliant tout à fait l’autre. »

C'est parce que la psychanalyse cherche à montrer que les trans' sont “malades” psychiquement alors qu'elle n'en fait pas la preuve et qu'elle ne s'ouvre pas aux autres disciplines et théories. Il n'y a pas qu'une vision du monde. La psychanalyse devrait arrêter de se regarder le nombril, elle n'est pas la seule théorie, ni une théorie universelle. Cette théorie ne fonctionne pas dans des cultures autres que judéo-chrétiennes.

Pour éviter un clivage interdisciplinaire trop important, pourquoi ne pas travailler avec plusieurs théories cliniques et collaborer avec des chercheurEs de d'autres disciplines?

27) Pourquoi les gens ne sont pas trans'?

« la première, c’est que rien, en tout cas aucun phénomène engageant la subjectivité d’un être, n’est donné dans l’humain, tout se construit, à grand-peine, et notamment la reconnaissance de l’altérité; »

Les trans' reconnaissent l'altérité mais Patricia MERCADER ne reconnaît pas les trans'. Elle décide que ce n'est pas normal. Mais qu'est-ce que la “normalité”?

La question pourrait être: pourquoi n'est-elle pas trans', ou pourquoi les gens ne sont pas trans'?

Réponse de Patricia Mercader.

28) L'illusion transsexuelle.

Etes-vous toujours d'accord avec le contenu de votre livre?

Si non, en quoi et pourquoi vous n'êtes plus d'accord?

Réponse de Patricia Mercader.

Mis en ligne le 31/07/2004. Mis à jour le 04/10/2004.


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