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MARCHAND L., RONDEPIERRE J., HIVERT P., LEROY P., (1952), Examen anatomo-pathologique de l'encéphale d'un dément précoce mort au cours d'une électronarcose 23 mois après une lobotomie, in Annales médico-psychologiques, février 1952, pp. 175-179. (Société médico-psychologique, séance du 14 janvier 1952.) Texte disponible sur: http://psychiatrie.histoire.free.fr/.


UN CAS HISTORIQUE DRAMATIQUE


Comment l'idéologie, la non-remise en question des théories, abouti à la maltraitance, pas seulement théorique.

Jusqu'à la fin des années 70, la transidentité était considérée comme délirante au sens psychiatrique du terme, et elle relevait d'une schizophrénie ou d'une autre psychose délirante chronique. Le terme “dément précoce” était très largement utilisé jusqu'à ce que celui de schizophrène le remplace. L'objet de cette publication était d'attirer l'attention sur le danger des électrochocs chez les sujets lobotomisés, et elle a été écrite à une époque où l'on ne publiait pas que les réussites. A cette époque, l'homosexualité et le travestisme étaient des perversions sexuelles.

Examen anatomo-pathologique de l'encéphale d'un dément précoce mort au cours d'une électronarcose 23 mois après une lobotomie

«L'observation suivante présente un double intérêt: la mort survenue au cours même d'une électro-narcose, la localisation et les caractères des lésions cérébrales vingt-trois mois après la lobotomie. Notre intention n'est pas de critiquer des méthodes thérapeutiques qui font chaque jour la preuve de leur efficacité, mais nous pensons que notre devoir est de faire l'étude des cas malheureux , de discuter les moyens de diminuer leur fréquence, de chercher à rendre ces interventions encore plus favorables.

Observation. - L..., âgé de 22 ans, entre à la maison de santé de Ville-Evrard le 26 septembre 1946, après un an de traitement psychanalytique.

Rien à signaler comme antécédents héréditaires avoués, ses parents sont bien portants. Il a un frère de 11 ans qui est normal. Aucune maladie grave durant son enfance; son développement intellectuel se fit lentement et il obtint avec peine, à 15 ans, son certificat d'études primaires. Ses connaissances scolaires sont restées rudimentaires. Vers l'âge de 18 ans, il se mit à lire des livres de philosophie et de spiritisme. Il apprit assez facilement la photogravure.

D'après ses parents, les troubles mentaux auraient débuté à l'âge de 22 ans, mais en fait ils se sont développés beaucoup plus tôt, comme le montrent les renseignements donnés par le malade lui-même.

A son entrée à l'hôpital, on se trouve ne présence d'un jeune homme qui porte une chevelure longue à type féminin.

Il nous dit que, dès l'âge de 4 ans, il était une femme et qu'il avait honte d'être habillé en garçon. A l'école, ses camarades le regardaient drôlement. Il aurait essayé dans la suite de réagir contre cette idée de se croire femme et de se persuader qu'il est un homme, mais en vain. Il a pris des habitudes féminines, il, a laissé pousser ses cheveux; plusieurs fois il s'est habillé en femme et s'est maquillé. Il s'est fait épiler la barbe et les poils. A 17 ans, il a “fait le trottoir”; plusieurs fois il s'est fait accoster par des hommes, avec lesquels il eut des rapports homosexuels, jouant le rôle du personnage passif. A 18 ans, il eut cependant des rapports sexuels avec une femme, mais il conservait l'idée qu'il était une femme.

A noter une anesthésie affective complète. Apragmatisme; indifférence concernant son internement. Les réflexes tendineux sont vifs; pas d'autres signes neurologiques. Eréthisme cardiaque.

L... est soumis au traitement suivant: 20 comas insuliniques avec électro-chocs associés. Aucun résultat. En janvier et février 1947, 2° série de 31 comas avec électro-chocs associés, puis une 3° série de 34 comas avec électro-chocs associés. Non seulement on n'obtint aucune amélioration, mais l'état mental s'aggrava progressivement. Les idées de mutation corporelle ne furent plus exprimées. Le mutisme devint presque absolu. En mars 1948, on tente sans succès un traitement de sulfosine.

Une leucotomie est pratiquée le 10 mars 1949; dès que les trous de trépan sont forés, on constate une méningite séreuse légère avec, des deux côtés, une hypervascularisation corticale bilatérale. Aucun incident dans la suite. En juillet 1949, on observe une amélioration transitoire de l'état mental, qui n'a qu'une courte durée. Une cure de 40 comas est bien supportée par le malade. Le mutisme est absolu; le sujet ne mène plus qu'une vie purement végétative. En août 1950, 7 séances d'électro-chocs prolongés sont sans aucun effet.

En janvier 1951, devant l'échec de ces divers traitements, on entreprend un traitement par électro-narcose à raison de deux séances par semaine. Les neuf premières séances se passent sans incident. Le 14 février, au cours de la dixième séance, à la troisième minute, syncope bleue (cyanose de la face); apnée irréductible et arrête du coeur; tentative de réanimation pendant trois heures. Le malade meurt 23 mois après la lobotomie.»

Mis en ligne le 14/04/2007.


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